Forcément, en entrant dans la police, "on garde toujours dans un coin de sa tête qu'un drame comme ça peut arriver". Forcément. Et puis une nuit, ça arrive. Sur une portion d'autoroute A7 entre Aix et Vitrolles, "on bascule dans l'horreur. Et on perd son coéquipier et son ami". Christophe est l'autre. Celui qui s'en est sorti. Ce policier conduisait la voiture arrosée par des rafales de kalachnikov qui ont mortellement atteint Éric Lalès, décédé dix jours plus tard, à l'hôpital Nord à Marseille. "Ma place était là, avec lui, à l'hôpital", peut-être même au détriment des siens, bien que Christophe ne le dise pas. "La nuit-même de la fusillade, je savais à quoi je venais d'échapper en voyant son état". Lui, a été blessé à l'épaule et à la tête. On l'a opéré très rapidement pour retirer, sous l'aisselle et à la tempe droite, "des éclats de balles qui ont dû toucher Éric". Les médecins ont toutefois jugé plus prudent de ne pas toucher les minuscules éclats qui l'ont atteint au crâne et au visage.Depuis, ce père de famille âgé de 44 ans, policier par vocation, flic de Brigade anticriminalité par choix, pense à Éric et à tout le reste. "Tous les jours". Le dimanche, après les nuits agitées du week-end, nous venons travailler en nous disant que la nuit va être plus calme, tout en sachant qu'il faut rester vigilant et professionnel", commence Christophe. "Et puis, on t'appelle pour une équipe qui cambriole un magasin de surgelés un dimanche soir. Et là, tout bascule". On n'évoquera pas les faits, à dessein. Ni l'enquête, même si Christophe se dit simplement satisfait, "tout comme les parents d'Éric, du travail fait par la police judiciaire et la BRI notamment"."Je suis soulagé qu'on arrive au bout, que des individus aient été identifiés par la PJ. Ce n'est pas de la vengeance, je veux juste que ce genre de types sachent que tirer sur des collègues, et là je pense à tous les policiers sur la voie publique, ça ne reste pas impuni". S'il a songé à quitter la police, après "les événements" ? Non. La police, la voie publique, les interpellations, le contact avec les gens, l'adrénaline aussi, Christophe est fait pour ça. "Mais j'ai quitté la Bac". Il explique de lui-même pourquoi : "Pour le moment, je me sens dans l'expectative professionnellement : ma place est dans cette unité mais j'ai une femme et des enfants et je prends mes responsabilités. J'ai quitté ce service". Il faut aussi gérer le traumatisme. Se reconstruire. Pendant des semaines, même des mois, Christophe est resté muré dans le silence. Depuis la mort d'Éric, parce que la vie continue, "les gens ont continué à avancer. On en parle moins. La normalité reprend le dessus mais j'y pense tous les jours. Sans forcément ledire". Entre les lignes, on distingue les traits d'un homme qui s'est arrêté sur le bord de la route. Qui a pu se sentir écarté. Et qui s'est remis le pied à l'étrier en reprenant du service. Et puis, surtout, "j'en suis fier, de ce métier, je le revendique. Pour moi, même la dénomination 'Gardien de la paix' possède une signification, une symbolique. Protéger les gens et leurs biens, c'est le dernier rempart. Je n'ai jamais fait ce métier en traînant des pieds". Éric, Christophe et Jean-Jacques. Ils étaient trois, à travailler ensemble et se relayer dans cet équipage de Bac. "Professionnellement, on allait dans le même sens, chacun de nous était responsable. Le terme de cow-boy me fait bondir". "Christophe est un mec très professionnel", insistent d'autres policiers, en parlant de lui. Rien de plus, rien de moins. "Ce qui nous a préoccupés, c'est ce qui était arrivé à Éric, qu'on a accompagné durant dix jours, jusqu'à sa mort. Christophe, avec sa forte personnalité, n'a pas montré de signe de faiblesse, on l'a embarqué avec nous dans cet accompagnement", confie, avec émotion, Jean-François Jaffuel, le commissaire central d'Aix. "Christophe a pris son temps pour gérer le contrecoup, il a recommencé à travailler dans un service qu'il a choisi mais il a les capacités pour aller dans beaucoup d'autres. Ce sera à lui de donner le tempo, et on le suivra. Si nous, nous avons vécu un choc émotionnel, lui, doit gérer un traumatisme". Le commissaire termine : "Christophe, c'est un fonctionnaire sain, intelligent et professionnel". Une direction que confirme Emmanuel Molina, l'avocat de Christophe, qui l'assiste dans la procédure : "À la période d'identification et d'interpellation des auteurs présumés de ce drame, succède désormais une période extrêmement douloureuse sur le plan humain, qu'il convient d'appréhender." Christophe est resté, il fera avec. Et surtout, il devra désormais faire sans.source : La Provence (30 avril 2012)
Bienvenue sur ce blog dont le but est de montrer la dangerosité du métier de Policier à travers des articles de presse, de vidéos et de diaporamas.
Plus de cinq mille d'entre eux sont blessés chaque année en service. Une tendance en hausse.
Aucune des missions auxquelles ils prennent part n'est sans risque.
De même, les militaires de la Gendarmerie Nationale et les agents des Douanes et des Polices Municipales sont soumis aux mêmes dangers. Désormais, le blog s'ouvre à ces autres composantes de la sécurité intérieure.
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lundi 30 avril 2012
Vitrolles (13) : Policier aixois tué : "Une nuit, tout bascule : on perd son coéquipier et ami"
Christophe conduisait la voiture de la Bac d'Aix visée par des tirs sur l'A7 à hauteur de Vitrolles. Il se confie.
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3 commentaires:
Quel récit, ça rappelle la dure réalité qu'est celle de cet homme, des vies qui basculent en une fraction de secondes......
je comprends votre collégue j'ai vécu la même chose...je suis avec vous .
Les gens ont trop rarement conscience des risques de ce métier. Trop peu de soutien et reconnaissance pour ces hommes prêts à donner leur vie pour nous protéger... Bravo et merci à eux
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